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Selon l’Agence internationale de l’énergie, le courant photovoltaïque est désormais moins coûteux que le charbon ou le gaz. Pionnière dans cette technologie, la Suisse tente de rattraper son retard en capacité de production.
Cachée dans les annexes du rapport 2020 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’information n’a pas échappé aux observateurs attentifs: jamais encore une source d’électricité n’avait été aussi peu coûteuse que l’énergie solaire.

Selon les dernières estimations de l’organisation, publiées à la mi-octobre, le coût de revient de ce courant est descendu jusqu’à 2 centimes par kilowattheure. C’est bien moins que celui du charbon ou du gaz. Moins que toutes les sommes observées à ce jour dans l’histoire de l’énergie.

Plus cher en Suisse

Les montants varient beaucoup en fonction de l’exposition des sites, mais aussi des politiques publiques appliquées. Selon Martial Genolet, responsable de la ligne d’affaire du solaire chez Romande Energie, c’est par exemple au Portugal que des records sont actuellement établis. Des centrales y sont posées au sol pour des coûts qui se révèlent inférieurs au chiffre articulé par l’AIE.

«Au niveau mondial, le coût de l’énergie solaire a chuté d’environ 90% ces dix dernières années, estime l’expert. En Suisse, la baisse est d’environ 75%. Aujourd’hui, il faut compter en tout cas 12 à 18 centimes le kWh pour une toiture sur une villa. Sur un bâtiment industriel, le montant peut descendre à 6 à 7 centimes, car il y aura des économies d’échelle.»

Le prix des panneaux photovoltaïques (PV) s’est effondré durant la dernière décennie. Le subventionnement massif de l’Allemagne et une politique de vente agressive de la part de la Chine l’ont tiré vers le bas. Il en a découlé un mouvement de faillites sans précédent chez les fabricants européens de modules PV.

De nouvelles pistes étudiées

Le Vieux-Continent cherchent d’ailleurs à réactiver une filière industrielle. La start-up de l’EPFL Isolight, qui a mis au point des panneaux générant un meilleur rendement énergétique, suscite beaucoup d’espoir. Ancien géant mondial des scies à silicium, le Bernois Meyer Burger tente aussi de percer dans la fabrication de panneaux PV. Il a décidé de renoncer au marché chinois, accusé de copier sans vergogne les innovations. 

«Ces initiatives pourraient bénéficier du fait que la part du transport devient toujours plus importante dans le prix du module, analyse Lionel Perret, directeur associé du bureau d’ingénieur Planair et délégué suisse à l’AIE. Il faut imaginer qu’aujourd’hui, en Suisse, ce module ne représente que 10% du coût d’installation sur une toiture.»

 Les surfaces supérieures des bâtiments représentent à l’heure actuelle le principal support des panneaux en Suisse. D’autres pistes sont toutefois étudiées signale Martial Genolet: «Des projets pilotes sont actuellement menés, par exemple dans des vignes dans le sud de la France. Des panneaux spécifiques sont déployés sur les cultures. Ils permettent de les protéger quand l’ensoleillement est trop fort et produisent en parallèle de l’électricité. Avec le réchauffement climatique, c’est une voie très intéressante.» Des panneaux verticaux, par exemple chez des agriculteurs, représentent une alternative prometteuse.

Leader technologique, élève très moyen

Ces dernières décennies, la Suisse a beaucoup contribué au développement du photovoltaïque. Elle a davantage tardé à en exploiter le potentiel. Selon un rapport publié en juillet par la Fondation suisse pour l’énergie, elle pointe aujourd’hui à la septième place européenne de la production d’énergie solaire. Comme elle génère peu de courant éolien, elle dégringole à la 24e place si l’on considère tout le bouquet des nouvelles énergies renouvelables qui ne comprend pas l’hydraulique.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il va falloir mettre les bouchées doubles. Plus précisément les multiplier par 20, selon Swissolar. D’après les calculs de l’organisation faîtière de la branche, il faudra être à même de générer 50 gigawatts de courant solaire pour compenser le nucléaire et le fossile. Les capacités actuelles en assurent 2,5, satisfaisant un peu moins de 4% de la consommation suisse.

«Le gros problème, constate Roger Nordmann, président de Swissolar, ce sont toutes les solutions qui ne sont pas destinées à l’autoconsommation. Il faut absolument que l’agriculteur qui met des modules sur sa toiture, que les hangars recouverts puissent bénéficier d’un meilleur retour sur investissement.» Une initiative parlementaire est en traitement pour augmenter la rétribution unique versée aux propriétaires qui ne bénéficient pas de leur production.

Adoptée en septembre, la nouvelle loi sur le CO2 va également soutenir le photovoltaïque, «surtout en favorisant l’installation de pompes à chaleur dans les bâtiments», indique le conseiller national. C’est combinée avec des panneaux PV posés sur le toit que cette source d’énergie est la plus intéressante.» Les bénéficiaires potentiels devront toutefois prendre leur mal en patience puisque l’UDC et les activistes du climat ont lancé le référendum contre ce texte.

Développer de nouveaux modèles

«Il faut aller plus loin et revoir toute la philosophie du système, complète l’ingénieur Lionel Perret. A l’heure actuelle, le consommateur paie le même prix, que son courant vienne de Pologne ou du toit de son voisin.» Certains experts travaillent déjà sur des modèles de tarification en fonction de la provenance géographique de l’électricité.

La révolution solaire n’a donc pas encore connu son épilogue. Une révolution qui profite aussi à l’économie: depuis le début de la pandémie, indique Lionel Perret, l’installateur vaudois Helion a reconverti plusieurs personnes dans la pose de modules photovoltaïques pour faire face à la demande.

[Sources : Le Temps, 28.10.2020, Aline Bassin]